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Iurie, tu me demandes ce que je pense de ton article « L’homme d’aujourd’hui entre Dieu et son singe »1 : Tu parles à mon cœur. Tout ce que tu critiques, je le critique aussi. Je déteste et je hais ce que tu décris. Je te ressens toujours comme un fervent combattant de la liberté, de la responsabilité personnelle et de la dignité humaine – en fait tu es plus engagé et radical que ceux qui écrivent ces valeurs sur leur drapeaux, les libertaires. J’ai fait cette expérience plusieurs fois dans ma vie où les gens qui ne se disent pas libertaires sont en fait les vrais libertaires. Tu es imprégné de cet esprit libertaire, tu l’incarnes authentiquement. De part de ton habitus déjà, tu es un homme vraiment libre et un combattant de la liberté.
Tu écris : « Je ne me sépare pas du tout de mes camarades de lutte métapolitique qui sont incroyants ou d’autres religions. Au contraire, j’ai tout le respect et je suis sûr que face à un ennemi commun nous devons consolider nos forces au-delà de toute différence », et je m’en réjouis.
Je ne veux même pas, pour être honnête, entrer dans les détails de nos différences, cela ne m’intéresse pas, parce que je suis complètement d’accord avec toi dans l’attitude et de part de mon sentiment, même si je suis, de part de mes idées, un anarchiste agnostique. Tu décris de manière critique la condition des possibles futures « survivants planétaires de l’holocauste » comme « dépourvus de toute autonomie de pensée et d’action » – c’est du pur anarchisme. De même, quand tu écris que « la technologie devient un moyen d’aliénation et d’asservissement de l’homme ».
Mais d’autre part, il est également nécessaire de créer une alliance de personnes ayant des visions du monde complètement différentes, car chaque groupe ne pourra très probablement pas remporter à lui seul la victoire sur les mondialistes. Et c’est pourquoi il est – malheureusement – encore nécessaire de prendre pour thème cette alliance. C’est pourquoi j’ai également écrit un livre entier à ce sujet, qui sera publié prochainement et dont le sous-titre est : « Pour une alliance théiste-agnostique dans la lutte contre la Grande Réinitialisation et le transhumanisme ».
2
Mais tu continues le paragraphe ci-dessus de ton texte avec un « mais » (comme je le fais ici dans mon paragraphe) : « Mais je me sens obligé de montrer la vulnérabilité de notre camp à nos adversaires. Ils ont choisi leur maître, nous avons rejeté le notre. »
Il se peut bien que nous soyons vulnérables et faible parce que nous ne sommes pas de vrais chrétiens. Je ne peux pas en juger car, en tant que non chrétien, je ne suis pas dans ce schéma de pensées. Forcément, cette pensée ne peut pas surgir en moi. Peut-être tu as raison, peut-être pas – je ne sais pas.
Mais ce que je peux dire, c’est que je ne « rejette le maître », car je ne peux pas le faire puisque je n’ai tout simplement pas été socialisé et cultivé en tant que chrétien.
Et ce que je peux dire aussi, c’est qu’il peut y avoir d’autres raisons à la vulnérabilité de notre camp que de « ne pas choisir notre maître ». Il y a de nombreux bons chrétiens qui ne font rien, mais croient sincèrement qu’ils font quelque chose en croyant, mais qui ne font même pas – comme tu écris – leur « prière ouvertement », ce qui impliquerait en fait une action. Peut-être que ces inactifs croyants renforcent un « champ morphogénétique » positif – je ne le sais pas non plus. Après tout, ils ne travaillent pas activement pour Satan (oui, paradoxalement, j’utilise ce mot en tant qu’agnostique) ce qui est déjà l’exception de nos jours quand on regarde les pervers dans les églises, comme l’Egidienkirche à Nuremberg2.
Comment quelqu’un se désigne par rapport à ses idées – c’est-à-dire spirituellement – ne signifie pratiquement rien : des chrétiens peuvent être satanistes – comme ceux à Nuremberg –, des anarchistes encore plus. Tout est question d’actions.
Alors si tu te sens obligé à me montrer notre vulnérabilité et me demandes de choisir « notre maître », alors tu me mes dans une position embarrassante : J’aimerais beaucoup suivre ton appel et oui, je pourrais effectivement le faire, parce que si Christ représente ce que toi, tu entends par là – à savoir liberté, responsabilité, dignité et autonomie –, alors bien sûr je suis chrétien (sans le savoir). Si je te récupère comme libertaire, récupère-moi comme chrétien. Mais je ne me retrouve pas dans ce monde d’idées (ou peut-être que oui, sans le savoir – je ne sais pas). Et si je ne peux pas suivre ton appel, c’est uniquement parce que l’honnêteté a une grande importance pour moi : envers toi et nos camarades et envers moi-même.
Ce que je peux et voudrais également dire à propos de notre vulnérabilité, c’est que je pense qu’il est peut-être possible que – comme tu écris – si nous « aspirons à nous croire autosuffisants et autonomes » – ou le sont plutôt –, nous ne devenons pas nécessairement faibles pour autant – comme tu le ressens –, mais qu’il peut aussi y avoir une force. Un certain égoïsme sain peut aussi développer une certain force percutante, qui peut être nécessaire pour gagner.
3
Je ne peux que répéter : Je suis d’accord avec toi à cent pour cent sur les « questions factuelles » ou « questions de fond », et j’estime qu’une discussion idéologique dans notre camp n’est, en fait, pas vraiment nécessaire. Nous nous battons effectivement pour la même chose, et nous luttons contre les même choses. Mais peut-être as-tu raison, et il convient de rappeler de temps en temps – comme tu le fais dans ton texte et comme je le fais ici – de ne pas nous séparer pas de nos camarades qui ont d’autres convictions.
Et tes mots, je les répète, sont aussi les miens : « Au contraire, j’ai tout le respect et je suis sûr que face à un ennemi commun nous devons consolider nos forces au-delà de toute différence. »
Je peux dire avec une conviction absolue : Ta cause est aussi la mienne. J’ai entièrement confiance en toi. La raison (idéologique ou purement émotionnelle) pour laquelle nous combattons ce que tu appelles Satan (dont je suis la formulation) est secondaire. Ce que des chrétiens – si jamais ces chrétiens devaient arriver au pouvoir après ce règne satanique en Europe – feront alors de moi en tant qu’anarchiste agnostique ne m’intéresse pas. Ce que nous avons maintenant doit partir.
4
Oui, je sais que si j’utilise le mot « Satan » alors logiquement je devrais aussi utiliser « Dieu »; il y a là une certaine inconséquence ou incohérence intellectuelle. Mais j’utilise en fait le mot « Dieu » lorsque je m’exclame « Oh Dieu ! » dans certaines situations, sans l’associer à une idéologie ou à une théologie.
La question est de savoir si cette idéologie est vraiment nécessaire, ou si le sentiment puissant qui se cache derrière l’utilisation de tels termes est plus important que les termes. Et si tu arrives à la conclusion dans ton texte que nos analyses, commentaires etc. ne suffisent pas et qu’il faut y ajouter un point de vue chrétien et « une perspective chrétienne de la vie », alors ton point de vue peut être complété par le mien : à savoir que ce « sentiment puissant » et son approfondissement renforcent également notre camp dans sa lutte contre l’ennemi technocratique.
Ce sentiment peut être symbolisé en termes chrétiens, mais ce n’est pas obligatoire. C’est le sentiment que nous voulons rester nous-mêmes et que nous ne voulons pas être abolis (conservatisme) qui alimente également la détestation et la haine contre ces criminels qui veulent nous changer, qui veulent détruire nos cultures et nos peuple.
Dans son essai « Contre la fin du sens. Introduction au matérialisme conservateur »3, Lucien Cerise entend par « matériel » – un terme peut-être un peu malheureux – sans doute aussi ces sentiments quand il dit que nous, les conservateurs, devrions adopter une certaine attitude « matérialiste ».
Je vois une grande urgence et un appel à la volonté et à l’engagement lorsque tu batailles dans une perspective chrétienne de la vie, je partage absolument cette urgence. Nous devons certainement mobiliser d’énormes énergies pour pouvoir empêcher le transhumanisme.
Je sais que l’idéologie et le symbolisme religieux sont plus ou moins identiques à ces sentiments et qu’il y a une grande puissance derrière eux. L’invocation de l’idéologie et du symbolisme religieux peut développer d’énormes énergies. C’est là que réside la force du fondamentalisme religieux.
Mais saches, cher Iurie : beaucoup de ceux qui ne partagent pas l’idéologie et le symbolisme chrétiens jettent également leur colère et leur amour dans la balance. Je sais que tu es allié avec eux.
1 Iurie Roșca : L’homme d’aujourd’hui entre Dieu et son singe: https://nouveau-monde.ca/lhomme-daujourdhui-entre-dieu-et-son-singe/, english version : Today’s man between God and His monkey: https://telegra.ph/Todays-man-between-God-and-His-monkey-08-08, deutsche Version: https://multipolaristen.de/peter-toepfer-religioese-ideologie-und-gefuehle-eine-antwort-an-iurie-rosca-10-08-2023/
2 https://www.tz.de/bayern/pornografie-in-der-kirche-riesen-wirbel-in-nuernberg-nach-homosexueller-ausstellung-eine-schande-92423709.html
3 https://www.egaliteetreconciliation.fr/En-reaction-Lucien-Cerise-repond-aux-citations-d-Arthur-Sapaudia-73044.html
La version originale allemand de cet article ici.